Mars 28 2024

Commémoration du 21 mars 2015 : il y a 100 ans, le départ pour la guerre en Europe..

C'est le 21 mars 1915 que sont partis les premiers tahitiens et citoyens français des EFO pour la guerre en Europe. Nous commémorons donc cette année le centenaire de ce grand départ.


LE LONG VOYAGE DU PREMIER DEPART DE PAPEETE DE « POILUS TAHITIENS » POUR LA GUERRE EN EUROPE


Alors que depuis le mois d’août 1914 la guerre sévit en Europe, la conscription n’est pas encore instaurée dans les îles des Établissements Français de l’Océanie (É.F.O.). Toutefois, des départs pour la guerre - qu’ils soient volontaires, individuels, citoyens français en poste dans les É.F.O. -, s’organisent dès 1915.

Ainsi les premiers Tahitiens, au nombre de 9, d’origine ou d’adoption partent sur le front le 21 mars 1915. Il s’agit de Marcel BONNET, Paul BOUZER, Élie JUVENTIN, Joseph QUESNOT, Gaston LARGETEAU, Teaue SALMON, Gaston VERHAEGHE, François VINCENT et le Frère Marcel.

C’est le 21 mars 1915, il y a 100 ans, que ces hommes embarquent sur le « Saint-François », un cargo vapeur et quittent le port de Papeete pour l’Europe, long voyage de 3 mois ponctué par de nombreuses escales.

Ils partent d’abord en direction de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, centre administratif et militaire de la France dans le Pacifique. Ils y restent 15 jours dédiés à l’exercice militaire. Le Frère Marcel, Georges LOUIS à l’tat-civil, qui est inscrit sur le registre des Frères de Ploërmel de Tahiti de 1914 à 1921, avec une notation : guerre 1915, passe 3 ans sur 7 à Tahiti. On en déduit que le reste du temps, il a dû le passer sur le front. Il nous apporte un témoignage intéressant sur ce voyage dans l’ouvrage La Grande Guerre 1914-1918 Livre d’Or des Frères de l’instruction chrétienne de Ploërmel 1921 p.44 à 54 ; dont quelques extraits, en italique, sont développés ci-dessous.

« J’ai quitté Tahiti avec bien du regret… Enfin, nous apercevons la terre dans la brume puis le phare qui est à l’entrée de la passe. En face du phare, il y a un autre tout petit qu’on appelle le pharon ; le gardien est un forçat condamné à mort. …. j’en profitai pour aller rendre visite à M. le Curé, à qui je remis une lettre de Mgr Hermel. Ma deuxième visite fut pour les Petits-Frères de Marie (les frères maristes)… Mes quinze jours d’exercice ne furent pas pénibles. Tous les soirs à cinq heures, j’étais libre jusqu’à neuf…. Un cargo de 12 000 tonnes vint nous chercher pour nous mener en France. Les Calédoniens firent une grande fête à l’occasion du départ de leurs jeunes soldats… ».

Le départ de Nouméa s’est fait, par le paquebot des Messageries Maritimes le « Sontay », le 23 avril 1915 pour se rende à Sydney en Australie avec une mer agitée pendant tout le trajet. Arrivé à destination, ils bénéficient de la gratuité des transports en bateau et tramway pour aller n’importe où.

Puis, ils repartent vers Freemantle sur la côte ouest de l’Australie où ils ont dû défiler pendant 3 ou 4 heures. Bien que les journées s’égrènent dans l’ennui, quelques épisodes comiques et magiques viennent interrompre ce rythme comme leur rencontre avec des marsouins. « …Deux jours après notre départ, nous rencontrâmes un banc d’au moins quatre à cinq cent marsouins qui vinrent faire des gambades autour du bateau. Le temps resta calme jusqu’à Colombo… ».

Une escale est faite à Colombo, alors sous le contrôle des Britanniques, actuelle capitale du Sri Lanka, et le frère Marcel la décrit comme « une ville sale et repoussante…. ».

Sur le chemin de Aden, alors géré comme une partie du Raj britannique (régime colonial britannique) qui est aujourd’hui la capitale du Yémen, ils rencontrent des bateaux de guerre dont des cuirassés et des contre-torpilleurs mais n’en sont pas inquiétés. Puis « …la terre se fit voir à nouveau : c’est la terre d’Arabie, déserte et nue à cet endroit. Puis nous arrivâmes à Aden. Pas un arbre, pas un signe de végétation, pas même le cocotier habitué pourtant à la chaleur. Le pays est montagneux. Des maisons sont accrochées au flanc des rochers... ».

Ensuite, ils mettent 6 jours pour gagner Suez par la Mer Rouge et « …l’ensemble de la ville nous parut assez gaie, car la vue de la terre, même stérile, est un plaisir, après un assez long séjour sur mer. Tout le long du canal, nous voyions des troupes australiennes et hindoues qui nous saluaient au passage avec leur « hip ! hip ! hurrah ! » Mais quelle sécheresse partout. La rive égyptienne est presque entièrement plantée d’arbres ; l’autre côté n’est qu’une plaine de sable où ne pousse pas la moindre petite herbe… Puis voilà Port-Saïd. Nous nous y arrêtâmes une demi-journée…. ».

Après un long voyage, ils atteignent la Sicile par le sud de l’île et non par le détroit et longent la Sardaigne et la Corse pour arriver enfin en France après trois mois de voyage. « Enfin voici la France, au loin, dans le brouillard. Puis Notre Dame de la Garde apparaît toute brillante à l’entrée du port encore enseveli dans la brume….Nous entrons dans une vieille caserne, ancien couvent… »

Vaihere Tehei
Archiviste de la ville de Papeete



Article de La Dépêche de Tahiti du 8 octobre 1965.



Deux visuels extraits de l’ouvrage « Le bombardement de Papeete du 22 septembre 1914 et la Grande Guerre dans les EFO (toujours disponible à la vente auprès de la Caisse de la Régie des recette de la mairie de Papeete).


La Ville de Papeete recherche continuellement des données sur ces hommes. Si vous en disposez, merci de joindre le Bureau de la Documentation et des Archives, au 40 415 778.