Avril 25 2024

Les sans-abri au cœur des préoccupations de la capitale

Une des priorités de Tavana Michel Buillard depuis le début de sa nouvelle mandature était le sort des sans-abri en cette période de crise sanitaire. Il s’agissait de les accueillir et de leur permettre de vivre dans des conditions décentes et en sécurité, un projet soutenu par le Pays qui s’est concrétisé par l’ouverture, le 27 octobre 2020, d’un centre d’hébergement d’urgence sur un terrain communal à Fare Ute.



Fonctionnement du centre d’hébergement de Fare Ute
Géré par l’association Te Torea (v. encadré ci-dessous), ce centre est ouvert tous les jours 24h / 24 et peut accueillir jusqu’à 90 personnes. Les résidents sont libres d’aller et venir comme bon leur semble, dans le respect des règles établies. Ils bénéficient de deux repas quotidiens gratuits financés par l’association et livrés matin et soir par un traiteur. Ils entretiennent eux-mêmes le centre. Des formations (potager, horticulture et couture) leur sont proposées sous la conduite d’éducateurs, ce qui éveille parfois des vocations et les aide aussi à choisir l’orientation qui leur convient le mieux.
Le centre dispose de sanitaires mais pas de buanderie pour des raisons techniques. Il est toutefois possible de laver son linge à la main ou d’aller faire sa lessive au centre d’hébergement de Tipaerui.
Les principales difficultés rencontrées au quotidien sont la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux, la présence de chiens de plus en plus nombreux, les vols, la consommation d’alcool et les violences.



Soutien et accompagnement
Les résidents qui le souhaitent peuvent bénéficier d’un soutien de la part des éducateurs dans la préparation et la réalisation de leurs projets d’insertion professionnelle ou sociale : apprendre à se présenter, se comporter et s’exprimer devant un employeur potentiel notamment. Sur demande, les résidents peuvent aussi être accompagnés dans leurs démarches par un encadrant, pour se rendre au SEFI, au dispensaire ou au tribunal par exemple. Ils se déplacent par leurs propres moyens, à pied, à vélo ou à scooter (exceptionnellement, et toujours sur demande, le résident peut être accompagné et transporté vers une autre commune pour participer à un entretien d’embauche ou effectuer une démarche administrative).

Évolution du nombre de résidents
Le nombre de résidents du centre d’hébergement d’urgence de Fare Ute fluctue au gré du choix des uns et des autres. La vie en collectivité ne convient pas forcément à tous et certains préfèrent ne pas rester. À l’ouverture en 2020, le centre n’accueillait que vingt-six sans-abri, ils sont actuellement entre 60 et 70 résidents en moyenne.



Activité communautaire
Une distribution de repas pour les sans-abri vivant dans la rue est organisée une fois par mois par l’équipe encadrante de l’association Te Torea assistée de quelques résidents bénévoles. La préparation commence vers 14 heures et une centaine de repas gratuits sont distribués vers 17 heures.

Les partenaires
Le partenaire principal du centre est le SEFI (service de l’emploi, de la formation et de l’insertion). En fonction des éléments apportés par les encadrants, le SEFI peut éventuellement inscrire un résident dans une formation (essentiellement de remise à niveau) et l’accompagner dans la recherche de CAE. Il existe aussi un partenariat avec quelques entreprises. La Croix rouge et de généreux donateurs fournissent le « nécessaire » en vêtements, etc. On note un important besoin en personnel : un dresseur pour chiens, par exemple, (ceux qui sont présents sur le site peuvent poser problème), ou encore un coach sportif.


L’Association Te Torea



D’abord baptisée Association polynésienne de prévention spécialisée (APPS), l’association Te Torea, qui gère le centre d’hébergement de Fare Ute, a été créée en 2003 par le Pays qui en assure le financement. Dirigée depuis mars 2021 par Heipua Fiu, fonctionnaire détachée de la DSFE (direction des solidarités, de la famille et de l’égalité), elle compte huit membres actifs, deux membres bénévoles et emploie vingt-huit salariés (éducateurs, moniteurs, agent polyvalents et surveillants). Sa principale mission est l’accompagnement social et professionnel de tous les publics vulnérables en situation d’exclusion et de grande précarité.


Denis Hoata, doyen de l'association



Ancien technicien dans l’électricité, Denis Hoata est le doyen de l’association Te Torea. Sensible à la situation des personnes en situation précaire, il œuvre dans ce domaine depuis 1998. Ancien responsable du centre de jour de Vaininiore, puis du centre d’hébergement d’urgence de Tipaerui, il s’est occupé des personnes âgées à Arue pendant le confinement. La ville est heureuse qu’il ait accepté une mission au centre de Fare Ute.

Il procède à un recensement quotidien des résidents dont une trentaine sont actuellement en insertion professionnelle, et leur fournit chaque soir les informations relatives à l’organisation du centre, tout en veillant aux bonnes relations entre les résidents et l’équipe d’encadrement. Dans la journée, ceux qui restent sur place, peuvent préparer leur repas (le déjeuner n’est pas offert) et le cuire sur une gazinière mise à leur disposition, toujours accompagnés par les encadrants, afin de les orienter et les aider. « Certains restent, d’autres partent, principalement car ils ne supportent pas de vivre en groupe, ne s’entendent pas avec les autres, explique Denis, mais, dans l’ensemble, ils sont heureux ici. Ils ont de l’espace, la mer à proximité, ils se portent bien, ils se sentent bien. Je préfère les voir ici que dans la rue. »

Denis incite les résidents à visiter leur famille chaque semaine, dès le jeudi soir. Ce qui fait qu’il y a un peu moins de monde le week-end : 45 à 50 personnes, contre 60 à 70 le reste de la semaine. Depuis son ouverture en octobre 2020, environ 190 personnes ont fréquenté le centre. La cohabitation provoque parfois des clashs, mais l’équipe encadrante veille au grain et contrôle strictement la consommation d’alcool et de stupéfiants.


Qu’en pensent les résidents ?



Jean-Claude, 41 ans, se dit heureux d’être ici, il préfère ce centre à celui de Tipaerui. Aujourd’hui, il prépare des crêpes à la banane, qu’il partagera avec ses collègues. Il a suivi plusieurs formations, mais la vie au centre lui convient.

Terence a 23 ans, il vit au centre depuis quatre mois. Il aide les équipes et les autres résidents, s’occupe de l’arrosage. Originaire d’Arue, il ne souhaite pas rentrer chez lui car il y a trop de monde à la maison.

Teahotu a 35 ans. Il a rejoint le centre il y a quelques mois à la suite d’un accident. Un projet lui tient à cœur, il souhaite devenir perliculteur et rêve d’aller vivre dans les îles.

Tavana Michel Buillard : « Je tenais absolument à protéger les sans-abri »

« En ces temps de crise sanitaire, il était important de pouvoir accueillir les personnes sans domicile fixe, de les traiter convenablement, avec des repas, un suivi médical et un dispositif d’insertion sociale et professionnelle. Le centre Te Vai ete a fait son temps et la cathédrale n’a pas vocation à recevoir les sans-abri. Dès que nous avons pu disposer de ce grand terrain (grâce à la rétrocession de terrains militaires dans le cadre du contrat de redynamisation des sites de défense), j’ai tout de suite souhaité en consacrer une grande partie à l’installation de ce centre d’hébergement. Il fallait faire face à l’urgence en pleine crise de la covid-19. Je tenais absolument à protéger les sans-abri, tout en évitant qu’ils ne soient les vecteurs de transmission de cette maladie. »

Pour ce qui est du futur centre d’accueil de jour de Arupa, Tavana précise que la Ville de Papeete met à la disposition du Pays l’espace de Vaininiore, soit deux parcelles communales de 1 475 m2 et de 756 m2, pour une durée de vingt-cinq ans. Outre le centre pour sans-abri, vingt-huit logements y seront construits dans le cadre d’un programme de résorption de l’habitat insalubre du quartier de Vaininiore. Cette opération, dont le coût global est estimé à plus de 800 millions de francs, fait partie du plan d’urgence sociale déployé depuis 2018 par le ministère de la Famille.

La ville de Papeete a aussi émis un avis favorable à l’affectation, par le Pays, au projet Te Vai ete api, d’un terrain de 1 500 m2 à Mama’o, pour y construire son futur centre d’accueil de jour.



Les projets en faveur des sans-abri

Arupa-Vaininiore :
Cette future structure d’accueil de jour programmée par le Pays sur un terrain mis à disposition par la commune de Papeete, pourra répondre à l’ensemble des besoins des sans-abri et leur garantir un accompagnement social individualisé efficient. Plusieurs zones ont été délimitées pour favoriser l’accueil des personnes en situation d’errance afin de leur permettre de retrouver des conditions de vie dignes, avec la possibilité de prendre une douche, de laver du linge, de se restaurer et de bénéficier de consignes individuelles pour le dépôt d’effets personnels.
La future structure prévoit également un jardin et un espace de socialisation dans une logique de réinsertion sociale et professionnelle. Deux chantiers doivent démarrer fin 2022 sur deux parcelles (de 1 475 m2 et 756 m2) mises à la disposition du Pays par la Ville de Papeete, pour une durée de vingt-cinq ans.

Raimanutea :
La création d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale pour les personnes sans-abri est envisagée sur le site de Raimanutea à La Mission, par réhabilitation des bâtiments existants. Il est proposé d’optimiser la totalité de la parcelle avec deux pôles distincts :
- un pôle d’urgence en faveur du traitement des situations de grande détresse individuelles ou familiales ;
- un pôle d’accompagnement social pour aider les personnes accueillies à accéder à une vie digne, autonome et responsable.
Cette nouvelle configuration en matière d’hébergement sera complétée par quelques bureaux administratifs et par plusieurs espaces collectifs pour la tenue d’ateliers et d’enseignements divers destinés à l’insertion sociale et professionnelle. Un espace de restauration sera équipé d’une cuisine pour la confection des repas sur place, avec l’objectif de rendre les usagers encore plus acteurs de leur vie. Le partage des tâches prenant appui sur les recettes à réaliser dans le cadre d’une alimentation saine viendra favoriser la socialisation. La loi du pays visant à promouvoir l’effort de solidarité par le don des produits invendus permettra de clore ce cercle vertueux.

Te vai ete api (Mama’o) :
Le centre d'accueil de jour Te Vai ete api devrait ouvrir ses portes à Mama’o à la fin de 2022. Pouvant recevoir 150 personnes, il offrira plusieurs services, de restauration notamment, dans des locaux adaptés, avec un espace médical, cuisine et salle à manger. Ce ne sera pas un centre d’hébergement, mais un guichet unique où les sans-abri auront accès à des sanitaires et pourront laver leur linge. Des formations professionnelles y seront également proposées.